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LES BILLARD- Un jeune couple sous la Révolution

houelse

Dernière mise à jour : 11 sept. 2024




En cette glaciale journée d'hiver, dans les dernières années de l'Ancien Régime déjà moribond, il attend les deux familles devant la petite église, récemment rénovée. Posé sur l'autel, se trouve l'épais registre, au fil des pages duquel se succèdent les rares joies et les nombreuses peines des pauvres paysans Brionnais de la paroisse d'Amanzé. François Pillin a affûté sa plume, préparé l'encrier. Il prendra soin, selon son habitude, d'écrire serré : le papier est cher, il faut économiser.  Nous sommes le 6 février 1787, et le curé a déjà rédigé cinq actes de baptême et deux actes de sépulture. C'est le premier mariage de l'année qui va débuter dans quelques minutes. Février est bien souvent la période des mariages, et dans les jours qui vont suivre, François Pillin célébrera cinq autres unions.



Acte de mariage de Jean-Claude Billard et Louise Defay à Amanzé, 6 février 1787

Un groupe de paysans arrive, tous sont bien emmitouflés . Il reconnaît ses paroissiens, la famille de la mariée. Le père, Claude Defay, âgé de 45 ans, est un honnête laboureur du hameau de Boeuf.  Sa  femme, Claudine Plassard, est sans doute restée au foyer, où elle s'occupe de leurs deux enfants : Anne, trois ans, et Antoine, qui a vu le jour il y a à peine trois semaines. De sa première union avec Claudine Lamure, morte en couches quatre ans plus tôt, il a eu neuf enfants. Seuls quatre d'entre eux sont encore en vie. L'aînée - et seule fille de la fratrie - se prénomme Louise. Née à Amanzé le 8 octobre 1769, elle a tout juste 18 ans. Arrive ensuite la famille du fiancé : les Billard vivent à Saint-Symphorien des Bois, une paroisse voisine. Jean-Claude Billard, le futur, est âgé de 27 ans et exerce la profession de maçon, tout comme son père François, qui a une soixantaine d'années. Sa mère, Françoise Joly, est également présente.



Je n'ai jamais trouvé l'acte de baptême de Jean-Claude. Etienne Billard, fils de François et Françoise Joly, a été baptisé à Saint-Symphorien le 18 mai 1755. S'agit-il d'une seule et même personne ?



Ainsi, " après trois publications sans opposition ny empêchement '', le prêtre donne la bénédiction nuptiale à Jean-Claude et Louise. Ils ont pour témoins Nicolas Joly et François Farizy, laboureurs à Amanzé. Ce dernier et le père de Louise sont les deux seuls qui peuvent apposer leur signature au bas de l'acte. Une nouvelle vie commence pour les jeunes mariés, et si Dieu le veut ils auront une nombreuse descendance. Pendant ce temps, une période sombre se prépare dans le Royaume de France.




Le couple s'installe donc à Saint-Symphorien, auprès des parents de Jean-Claude. Ils vivent au hameau de Giverdier où naît le 26 mars 1788 leur fils aîné, François. Ce dernier a hérité du prénom de son grand-père paternel, qui est également son parrain. Sa marraine est Jeanne Larfouillloux.  Le curé Ligonnet indique que le jeune père exerce le métier de manœuvre. La famille s'agrandit de nouveau le 21 novembre 1790 avec un deuxième fils nommé Claude. Il est baptisé par le nouveau curé, Janillon. Les parents sont déclarés comme "manouvriers à Giverdier". Le nouveau-né a pour parrain Claude Barlet, manouvrier et Jeanne-Marie Joly, épouse de Pierre Rousseau. Quelques mois plus tard, le 15 mai 1791, la famille unie par le deuil dit adieu à son patriarche : François Billard s'est éteint à l'âge de soixante-douze ans. Pierre Rousseau et Claude Barlet, qui semblent être des amis proches, sont témoins pour la déclaration auprès du curé Janillon, et accompagnent la famille dans cette épreuve.



Gabrielle, première fille du couple, naît le 23 août 1793. Les témoins accompagnant le père pour la déclaration à l'état civil sont Joseph Larfouilloux et son épouse Gabrielle Lamure. Ils sont probablement aussi ses parrain et marraine mais cela n'est pas précisé sur l'acte de naissance. En effet, les registres paroissiaux ont été remplacés par ceux de l'état civil l'année précédente. Est ensuite adopté le calendrier républicain.



Ainsi quatre ans plus tard, lorsque la famille est de nouveau endeuillée après que la grand-mère Françoise Joly est partie rejoindre son défunt mari outre-tombe, l'adjoint Janillon indique comme date " cejourd'hui vingt-six prairial ou le quatorze juin mil-sept-cent-quatre-vingt-dix-sept". Pierre Rousseau est de nouveau présent pour soutenir Jean-Claude et ses proches. Le 26 germinal an VII ( 15 avril 1799), " à trois heures du matin", naît  Jeanne, deuxième fille et quatrième enfant de Jean-Claude et Louise Billard. La naissance est déclarée par Jean-Claude Billard, Claude Defay ( le père ou le frère de Louise? cela n'est pas précisé) , d'Amanzé et Jeanne Gautheron, de Dyo.



Jean Billard - mon ancêtre - voit le jour le 28 prairial an X  (16 juin 1802).  Jean Joly, propriétaire à Faussepurcher, et sa femme Louise Lamure accompagnent le père pour faire la déclaration au maire Jean-Pierre Janillon. Nous venons d'entrer dans le dix-neuvième siècle, que cet enfant qui vient de naître connaîtra presque entièrement. Il sera le témoin de bouleversements que l'on ne peut encore imaginer à cette époque où la Première  République s'apprête à être remplacée par le Premier Empire. Le 18 mai 1804, Napoléon est proclamé Empereur. Son sacre aura lieu le 2 décembre suivant.



"Bonaparte franchissant le grand Saint-Bernard", par Jacques-Louis David (1800-1803)

Claude Defay, le grand-père maternel, s'éteint le 25 avril 1805 à 63 ans, à Vigny-les-Paray, ancienne commune aujourd'hui rattachée à Digoin. Il est mort au domicile d'un certain Jean-Marie Prost, peut-être un ami de la famille. Que faisait-il si loin (35 km) de son village natal, où il avait passé toute sa vie? C'est un mystère. Deux de ses enfants viendront par la suite s'installer à Vigny.



À Giverdier, au foyer de Jean-Claude et Louise, un  sixième et dernier enfant a vu le jour le 4 mai 1806; c'est une fille prénommée Claudine. L'empereur Napoléon 1er, à cette époque, assouvit sa soif de conquête en Europe. Il a besoin de soldats et de nombreux jeunes hommes sont recrutés dans tout le pays, c'est le début de la conscription.



Fiche matricule "napoléonienne" de Claude Billard

Le deuxième fils Billard, Claude, est enrôlé dans l'armée napoléonienne. Sa fiche matricule nous apprend qu'il mesure 1m56, a les yeux bruns et les cheveux châtains. Il rejoint son dépôt le 21 mars 1809... et déserte le 10 avril. Il rentre finalement dans le rang, est jugé puis acquitté, et basculé au " premier bataillon auxiliaire" le 1er janvier 1810. Ayant le grade de fusilier, il est passé au 1er bataillon du 130eme régiment le 1er mai 1811. Il regagnera son village quelques années plus tard, probablement vers 1814.

Tandis que Claude est à l'armée, la vie suit son cours au village. Le reste de la famille vit toujours à Giverdier.  Après la chute de l'Empire, la Monarchie est restaurée, et Louis XVIII remplace Napoléon sur le trône.



Le 20 janvier 1816, l'aîné des Billard se marie : François , 28 ans, convole à Saint-Germain en Brionnais avec Benoîte-Marie Leschelier, 22 ans. Si Jean-Claude et Louise consentent au mariage, ils n'ont pas pu faire le déplacement : ils ont passé une procuration devant notaire par laquelle ils " donne[nt] pouvoir à Simon Thibert demeurant [à] Saint-Germain de consentir au mariage de [leur] fils".



Acte de décès de Jean-Claude Billard

Le 17 janvier 1818, à l'aube, Jean-Claude Billard rend son dernier souffle en son domicile de Giverdier. Son fils François, maréchal à Faussepurcher, accompagne le maire Pierre Jomain qui vient constater le décès. Il appose sa signature au bas de l'acte. Louise, désormais seule, a la joie de voir naître son premier petit-fils en 1821. Claude Billard sera le seul enfant de François.



Lors de la décennie suivante, Louise marie ses autres enfants. En 1833, Claudine, la cadette, épouse Jean Ginet, de Saint-Maurice les Châteauneuf, où s'installe le couple qui aura quatre enfants. Claude, le soldat de Napoléon, épouse à 45 ans Philiberte Gaillot, 27 ans, de Saint-Julien de Civry. De cette union naîtront six enfants. Double mariage en 1837: le 6 février, 50 ans jour pour jour après ses parents, Gabrielle Billard unit sa vie à celle de Jean-Marie Gayot, d' Amanzé. Leur union sera sans postérité ; à l'automne, Jeanne Billard convole avec Vincent Lambert, d' Hautefond. Ils donneront naissance à deux filles prénommées Claudine. Enfin, le dernier fils, mon ancêtre Jean, épouse le 20 février 1838 Claudine Fayolle, de Saint-Julien de Civry. Leurs quatre enfants, dont mon aïeule Marguerite, verront le jour à Saint-Symphorien.



Le hameau de Faussepurcher, où Louise passa les dernières années de sa vie.

Louise est désormais l'heureuse grand-mère de 17 petits-enfants. Vivant d'abord auprès de son fils Claude à Giverdier, elle s'installe ensuite à Faussepurcher chez François et Benoîte. Elle s'y éteint le 15 août 1844.



Acte de décès de Louise Defay





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