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Philippe Augay, le vieux de la vieille

houelse

Il en existe dans toutes les généalogies, de ces bougres qui défient le temps et dépassent  contre toute attente la limite d'espérance de vie de leur époque. Mon ancêtre Philippe Augay, paysan du Brionnais, fait partie de ces vieux briscards qui se demandent ce qu'ils font encore là, tandis que tout autour d'eux les voisins, les amis, leurs propres enfants et parfois même leurs petits-enfants, quittent ce monde longtemps avant eux. Ces vieux solitaires, oubliés par la Faucheuse, se consolent- ils dans l'espoir de revoir un jour leurs proches au paradis, comme le leur a promis le curé ?


Acte de baptême de Philippe Augay


Laboureur à Saint-Racho (Saône-et-Loire) , où il a vu le jour le  6 janvier 1712, mon ancêtre Philippe AUGAY (Sosa 376) aura une longévité exceptionnelle pour son époque. Né sous le règne de Louis XIV, il est le fils de Claude Augay (1675-1848) et Marguerite Boucaud (1679-1834),  laboureurs du village de Tronchet, sur la paroisse de Dun le Roy ( ancien nom de l'actuelle commune de Saint-Racho)  située aux confins de la Bourgogne et du Beaujolais. Il a pour parrain Messire Philippe Jacquier, procureur d'office des justices de Madame la Comtesse de Marzac, et pour marraine Marceline Odet, jeune fille du village de Corneloup, qui signe l'acte de baptême. Philippe a une sœur ainée âgée de six ans, et verra naître trois autres frères, dont deux mourront en bas âge.



Représentation ancienne de Saint-Racho

En 1715, le vieux Roi Soleil est mort, son arrière -petit-fils le remplace sur le trône, sous le nom de Louis XV. À l'âge de vingt ans, le 25 août 1732, Philippe épouse à Azolette, une paroisse voisine ( appartenant aujourd'hui au département du Rhône) Étiennette Dupuy, dix-neuf ans. Le couple s'établit à Dun le Roy. Son premier enfant, un fils, voit le jour le 16 septembre 1735. Il est baptisé le jour même et se prénomme Claude, comme son grand-père paternel, qui est son parrain. Il a pour marraine sa tante ( probablement du côté maternel) Louise Vacheron, d'Azolette. Philippe signe l'acte de baptême avec le curé Botton. Naît ensuite Françoise en 1737.



Acte de naissance de Marcellin Augay


Le 8 mars 1740, mon ancêtre,  Marcellin Augay, vient au monde. Il hérite son prénom de son grand-oncle Marcellin Boucaud, de Saint-Germain la Montagne, qui était le frère de sa grand-mère paternelle et qui est son parrain. Ce dernier fut brièvement parrain, vingt ans plus tôt, du frère de Philippe, né et mort en 1720. Viennent ensuite Benoîte en 1743, Benoît en 1745 et Jean, né vers 1756.



Le 20 septembre 1757,  Étiennette meurt '' munie des sacrements '' - ce qui signifie qu'elle a reçu l'extrême-onction. Elle est inhumée le 22, en présence de son époux et d'un certain Antoine Augay. Claude, le fils aîné, suit sa mère dans la tombe début février 1759, à 23 ans. Probablement malade, il était également ''muni des sacrements ''. Sa sœur Benoîte disparaît à peine trois semaines plus tard. Philippe envisage de se remarier et recherche une promise. Par conséquent, un arrangement est trouvé, et le 30 juin 1761, c'est non pas un, mais deux mariages que célèbre le curé Gallay à Matour, une paroisse voisine. En effet, Marcellin, qui a déjà 21 ans, prend pour femme la très jeune Marie Savoye,  née à Matour le 21 février 1747. La mariée a tout juste quatorze ans ! Elle est la fille de Pierre Savoye et Benoîte Perade, tous deux décédés. Par la même occasion, Philippe en profite pour épouser Benoîte Aucaigne, qui est la veuve ( et seconde épouse ) du défunt Pierre Savoye, père de sa future bru. Les deux couples s'installent à Dun le Roy.


Acte de mariage du 30 juin 1761


Philippe et sa seconde épouse Benoîte donnent la vie à trois enfants: Françoise en 1762, Jean-Marie en 1763 et Antoine en 1765. Leur union ne durera hélas pas plus d'une décennie, car Benoîte tire sa révérence le 19 janvier 1771. En 1774, Louis XV meurt, remplacé par Louis XVI. Philippe a la joie de voir s'agrandir la famille de son fils Marcellin et de Marie Savoye, sa belle-fille : le couple a six enfants, dont mon ancêtre Jean Augay. Malheureusement, le destin, souvent si cruel, ne pouvait se satisfaire d'un tel bonheur : après un accouchement épouvantable et cinq jours d'agonie, Marie Savoye meurt dans d'horribles souffrances le 19 septembre 1780.  L'enfant ne vivra que six mois et rejoindra sa mère dans l'au-delà au printemps 1781.



En 1784, la paroisse de Dun le Roy prend le nom de Saint-Racho, en hommage à Racho, évêque d'Autun mort en 659. L'année 1785 sera une annus horribilis pour Philippe, car il verra mourir trois de ses enfants en l'espace d'un mois: Antoine, le 1er mars, à 22 ans; puis Françoise, la cadette, le 7 mars, à 23 ans; et Jean, le dernier-né de son union avec Étiennette Dupuy, le 21 mars, à environ 29 ans. Au milieu des années 1780, Philippe est toujours laboureur à Saint-Racho. Il y vit avec son fils Jean-Marie, non loin de son aîné Marcellin qui élève seul ses enfants, et ne se remariera point. Françoise, sa fille ainée, a fondé une famille et s'est installée en la paroisse de Saint-Germain la Montagne, fief de ses ancêtres Boucaud. Benoît, quadragénaire célibataire, travaille dans des fermes voisines.



Dans le royaume de France, la révolte gronde. Le 14 juillet 1789, la Bastille est prise d'assaut. La Révolution Française amène de nombreux changements administratifs. En 1790, le territoire français est réorganisé en ''départements'', et depuis lors, Saint-Racho se trouve en Saône et Loire. Le calendrier est réformé, exit le calendrier grégorien, on adopte le calendrier républicain, avec des semaines de dix jours (de la sorte, les gens de labeur travaillent encore plus). Ainsi, lorsque la Première République est proclamée, nous ne sommes plus le 22 septembre 1792, mais le premier vendémiaire an I. Du haut de ses quatre-vingts ans, Philippe Augay se dit peut-être que cela ne change finalement pas grand-chose à son quotidien.




Le 2 pluviôse an I ( ou 21 janvier 1793), le roi de France est mort, guillotiné par son peuple, ou plutôt par l'élite bourgeoise qui prétend le représenter. Là encore, cela ne semble pas avoir un grand impact sur la vie d'un modeste laboureur du Brionnais. Excepté, peut-être, le nouveau changement de nom de la commune ( on ne dit d'ailleurs plus ''village'' ou ''paroisse''). Les révolutionnaires détestant visiblement autant les Saints que les rois, débaptisent Saint-Racho qui est renommé Dun la Montagne. Ces facéties ne  préoccupent sans doute guère Philippe, dont la descendance s'élargit : petits-enfants et arrière-petits-enfants, la lignée Augay grandit au village. En France débute alors le règne de la Terreur. Qu'est-ce que cette Révolution apportera de bon, finalement ?  Philippe et ses fils, eux, continuent à labourer la terre, penchés sur leur soc, comme ils l'ont toujours fait. La Révolution prend fin, et Napoléon accède au pouvoir, avec le titre de Premier Consul. Les années passent, et le dix-neuvième siècle arrive, Philippe n'aurait jamais pensé le connaître.



Son fils Marcellin s'éteint le  17 brumaire an XII (9 novembre 1803), à l'âge de 63 ans. Est-ce qu'il les enterrera tous? Quand viendra son tour ? Que deviendront ses descendants, dans ce siècle qui vient de naître, et au cours duquel se produira une autre révolution, industrielle celle-ci, qui engendrera dans le monde des changements que le vieux laboureur est bien loin d'imaginer ?  Pour l'heure, le premier Consul Bonaparte devient l'Empereur Napoléon Premier.




Philippe Augay s'éteint à Saint-Racho le 25 prairial an XII, soit le 14 juin 1804, vers midi, à l'âge vénérable de 92 ans. Avec lui disparaît un pan considérable de l'histoire du village. Ses nombreux descendants vivront, pour la plupart, à Saint-Racho, et l'un d'eux en sera le maire. Le petit-fils de Philippe ( et fils de Marcellin), Jean Augay, né à Saint-Racho le 9 septembre 1772, est mon ancêtre. Cent ans après la naissance de Philippe, il y  épouse Magdelaine Laville. Mais ceci est une autre histoire.  



à suivre...

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