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Aux Jarrots

  • houelse
  • il y a 2 jours
  • 5 min de lecture
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Aux Jarrots, sur la commune d'Avrilly, dans cette région que ses habitants appellent plus volontiers le Bourbonnais que l'Allier, mon aïeule Pierrette Desmolles s'installe dans son nouveau logis. Le village surplombe le lit de la Loire, au cours tranquille. Au loin, on aperçoit le Brionnais. Nous sommes à la fin de l'hiver 1851, et ce nouveau printemps qui arrive semble plein d'optimisme : pour la première fois depuis longtemps, Pierrette voit son horizon se dégager. C'est ici qu'elle vivra sereinement les dernières années de sa vie. 


Quelques jours plus tôt a été célébré  son mariage avec Claude Caillot. Après une période sombre, le ciel s'éclaircit pour elle. Sa vieille mère, Jeanne, s'est installée à proximité: elle  loue une chambre tout à côté, dans la maison de la famille Rousset.  À dix-sept ans, sa fille unique, Claudine Buffet, a déjà quitté le foyer depuis plusieurs années, elle travaille comme domestique pour la famille Malherbe, sur la proche commune de Luneau. 



Luneau, où Pierrette Desmolles a vu le jour durant la dernière année du calendrier républicain, le 26 brumaire an XIV (ou 18 novembre 1805) . Elle est la fille de Jeanne Bougain, domestique d'un fermier de la commune, Pierre Desmolles. Bien que marié et père de famille nombreuse, le patron a abusé de sa servante, lui faisant cinq enfants illégitimes, dont Pierrette est l'aînée. Il lui a tout de même légué son patronyme. C'est à Luneau que Pierrette grandit et voit naître sa soeur Claudine en 1808, puis ses cadets Claude, Marie et Rose qui sont certainement morts en bas âge. 


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La famille de Pierrette vit toujours à Luneau lorsque le 22 juin 1833, elle épouse Jean Buffet, un jeune manouvrier du Bouchaud. La petite bâtarde de Desmolles gagne enfin sa respectabilité, bien que le maire qui rédige l'acte inscrive " fille naturelle" à la place de son patronyme. Peu importe, de toutes façons Pierrette ne sait pas lire. Le jeune couple s'installe à Luneau où naît leur fille unique, le  13 octobre 1834. Jean déclare la naissance le lendemain et prénomme l'enfant Claudine, comme sa défunte mère.


Hélas, le bonheur des jeunes parents sera de courte durée : Jean Buffet, peut-être malade, meurt à son domicile du bourg de Luneau le 12 décembre 1834. Il n'avait que vingt-six ans. La jeune veuve élèvera seule sa fille unique. Elle sera épaulée par sa mère, Jeanne, et sa sœur Claudine Bougain, qui en 1836 vivent avec elle au bourg de Luneau. Jeanne, Pierrette, sa sœur Claudine et la petite Claudine y demeureront pendant plusieurs années, dans une grande pauvreté. Le 23 octobre 1849, la famille est réunie pour un dernier adieu autour du lit de mort de la tante Claudine, qui s'éteint à l'âge de quarante ans.


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L'époux a connu, lui aussi, son lot de misères. Né à Neuilly-en-Donjon en 1806, Claude Caillot exerce le métier de tisserand. Veuf en 1840 de Marguerite Pascanet, après un mariage de cinq ans sans postérité, il s'est remarié en 1842 avec Marie Beauchamp, jeune paysanne d'Artaix, qui avait une fille illégitime de trois ans, Marie, que Claude a reconnu comme la sienne. Le tisserand aura ensuite deux enfants "bien à lui": Jacqueline, née en 1844, et Claude, né en 1848. Hélas, cette harmonie familiale ne durera pas, car la jeune mère de famille meurt le 5 janvier 1849. 

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C'est donc au beau milieu du dix-neuvième siècle que Claude Caillot et Pierrette Desmolles décident de se marier. L'union est célébrée le 2 mars 1851, en présence de Jeanne Bougain qui consent au second mariage de sa fille. 

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La mariée a maintenant rejoint son époux au village des Jarrots, où elle assumera désormais son rôle de deuxième maman pour Jacqueline et Claude. Marie, âgée de douze ans, est déjà partie pour gagner sa vie. Ces petits apporteront un peu de joie de vivre dans ce foyer rudement éprouvé par les deuils. La décennie qui suit s'écoule paisiblement au village des Jarrots. Jacqueline, comme tant d'autres, quitte le nid dès qu'elle est en âge de travailler. 


Acte de décès de Claude Caillot ( ou Cayot). Source: Archives départementales de l'Allier
Acte de décès de Claude Caillot ( ou Cayot). Source: Archives départementales de l'Allier

La parenthèse de tranquillité se referme à l'été 1860: le tisserand des Jarrots est au plus mal. Au début de l'après-midi du 10 juillet, Claude Caillot expire à son domicile. Son neveu Benoît Maridet se charge de la déclaration en mairie. Après les funérailles de son époux, la pauvre Pierrette est bien vite accaparée par d'autres soucis: la santé chancelante de sa mère, qui vient d'avoir 85 ans, et le retour au foyer de sa fille Claudine, qui se trouve dans une situation bien embarrassante : elle est enceinte. Le premier petit-enfant de Pierrette s'apprête à naître sans père. À nouveau la honte de la bâtardise , qu'elle a connu toute son enfance et pensait avoir laissé loin derrière, va rejaillir sur la famille de Pierrette. 


Acte de décès de Jeanne Bougain. ( source: Archives départementales de l'Allier)
Acte de décès de Jeanne Bougain. ( source: Archives départementales de l'Allier)

Six mois après son gendre, Jeanne Bougain s'éteint aux Jarrots, le 20 janvier 1861. Son arrière-petit-fils, Claude Buffet, enfant naturel, naît le 30 juillet. Pierrette quitte ensuite les Jarrots pour le village des Raflots où elle élève son petit-fils Claude, tandis que Claudine travaille comme domestique pour la famille Girard au village des Beaumiers. La période de bonheur des Jarrots est définitivement terminée. 


Le 10 janvier 1870, un dernier événement joyeux viendra agrémenter la vie de Pierrette : le mariage de sa belle-fille Jacqueline Caillot avec Antoine Auloge, agriculteur à Anzy-le-Duc. Enfin, à l'aube de sa vie, sa fille Claudine se voit contrainte de lui annoncer qu'elle est de nouveau enceinte, ce deuxième enfant grandira également sans père. Mais très vite, la santé de Pierrette, usée par une vie de labeur et d'indigence, se dégrade. Revenue habiter aux Jarrots, elle s'y éteint au milieu de l'après-midi du 14 février 1870. Claudine, bientôt mère pour la seconde fois, reste seule avec son fils aux Jarrots, où elle accouche au début de l'été : mon arrière-grand-mère Marguerite Buffet naît le 23 juin 1870.


Les années, un siècle et demi ont passé. Le passage sur cette terre de l'infortunée Pierrette et des siens a depuis longtemps été oublié. Chacun a construit sa vie. Jacqueline a cultivé la terre avec son époux, et s'est éteinte en 1907 à Anzy-le-Duc. Son frère Claude, devenu tisserand comme son père, s'est marié en 1872 et a eu quatre enfants. Il a fini sa vie en 1915 à Bourg-le-Comte. 

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Claudine est restée seule aux Jarrots avec ses deux enfants. Claude Buffet deviendra également tisserand. Marié à Avrilly en 1891, il sera père de deux enfants, dont l'aîné mourra en bas âge. Sa soeur Marguerite épousera en 1898 Eugène Houël, cultivateur originaire des Vosges. Installés dans la commune voisine de Baugy, Eugène et Marguerite s'apprêtent à y fonder, à l'aube du vingtième siècle, une nombreuse famille. Claudine quitte définitivement les Jarrots pour s'installer chez sa fille et son gendre. À l'automne 1899, Marguerite et Eugène lui annoncent l'arrivée prochaine, prévue pour le printemps 1900, de leur premier enfant. Claudine s'éteint avant de devenir grand-mère, le 27 février 1900. L'enfant naît le 13 avril 1900: c'est une petite fille. Ses parents l'ont appelée Claudine. 


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