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Imbroglio italiano

  • houelse
  • 17 juin
  • 5 min de lecture

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À l'âge de partir à l'armée, Etienne Thuret, cousin germain de mon arrière-grand-père Laurent, vivait à Roanne où florissait l'industrie textile. Cette petite ville de la Loire, située près du fleuve éponyme et à distance raisonnable de Lyon, avait vu, au cours de la révolution industrielle, passer sa population de 19.000 à 37.000 habitants. 

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Né à La Clayette le 5 mai 1864, Étienne  avait passé dans cette bourgade de Saône-et-Loire sa prime  jeunesse avant que toute la famille ne s'installe à Roanne, vers 1875. Il y vécut son adolescence auprès de son père Pierre, sa mère Marie , ses deux frères et ses trois soeurs.


En 1884, la famille Thuret habite rue de la Loire. Les deux frères aînés, Léon et Michel, sont déjà mariés. Étienne travaille comme tisseur. Suite au conseil de révision, il est placé en service auxiliaire pour cause de "pieds plats et déviés". De retour au bercail, Étienne reprend son métier de tisseur. 

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Le 11 décembre 1886 est célébré à Roanne son mariage avec une collègue et voisine, fille d'immigrés italiens. Philomène Giovando a 22 ans, comme lui. Native de Bourg-de-Thizy, elle est la fille d'Antoine Giovando et Madeleine Gaïbina, tisseurs originaires de Turin qui ont émigré dans le Rhône une vingtaine d'années auparavant. Les Thuret et les Giovando habitent alors dans le même immeuble, au 89 rue des Lézards. 


Le jeune couple s'installe place de la Rochette où naît, le 26 mai 1887, leur fils Antoine-Marius, dit Antonin qui, comme son père, exercera le métier de tisseur. Une soeur prénommée Antoinette agrandira la famille en 1894. 


Devenu adulte, Antonin Thuret doit accomplir son service militaire, il est incorporé le 20 octobre 1908 au 17ème régiment d'infanterie, basé à Lyon. Condamné le 7 mai 1909 " par jugement contradictoire du Tribunal Correctionnel de Roanne à six jours de prison et seize francs d'amende pour outrage à agent de la force publique ", il est finalement amnistié. Antonin est rendu à la vie civile le 25 septembre 1910. Il rentre alors à Roanne et reprend son métier de tisseur.

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Le 3 juin 1911, on célèbre le mariage d'Antonin Thuret avec Marie-Thérèse Jacquemont, qui exerce la profession d'ourdisseuse. L'un des témoins de leur union est Joannès Jacquemont, le frère de la mariée, qui a épousé quelques années auparavant Jeanne Thuret, la cousine germaine d'Antonin. Le couple quitte Roanne pour s'installer dans la proche commune de Riorges, où naît en 1913 Germaine. Leur petite fille a un an et demi lorsqu'éclate la première guerre mondiale. Le 2 août 1914, c'est le coeur lourd qu'Antonin quitte sa famille pour monter au front. Il ne les reverra jamais. 


Antonin rejoint son unité, et est envoyé dans les Vosges;  ce qu'il s'est passé exactement dans son esprit, aucun registre ne le précise. On ne lui attribuera jamais le glorieux titre de "Mort pour la France". Le 31 août 1914, alors que son régiment se trouve à Anould, Antonin se suicide d'une balle dans la bouche. Peut-être n'a-t-il pas supporté les horreurs dont il fut le témoin en ce premier mois de conflit? Pour le jeune soldat de vingt-sept ans, la guerre, qui durera encore quatre ans, est terminée. Pour sa famille, l'enfer commence et cette blessure ne se refermera sans doute jamais. 

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La guerre terminée, la vie reprend son cours, à Roanne comme ailleurs. Antoinette, la petite sœur du malheureux Antonin, épouse le 18 janvier 1919 René Grognet. Mais l'époux a mauvais caractère et déjà le mariage bat de l'aile. En juillet, Philomène et Étienne Thuret apprennent avec tristesse le divorce de Vincent Giovendo, le frère cadet de Philomène, dont le patronyme fut mal orthographié à l'état civil. Son ex-femme Françoise embarque leurs trois enfants et part refaire sa vie en Isère.

Extrait de la transcription du divorce Thuret-Grognet ( Source: AD de la Loire)
Extrait de la transcription du divorce Thuret-Grognet ( Source: AD de la Loire)

Au début de l'année 1920, René et Antoinette divorcent à leur tour, " pour motif d'injure grave d'entre les époux (...) au profit de la femme et aux torts et griefs du mari". Ces dernières années ne furent guère joyeuses pour la famille Thuret-Giovando, qui reste cependant unie dans l'adversité. Ces experts du textile semblent avoir tissé de forts liens familiaux. Pour affronter la tristesse, on "recycle" les veufs et les divorcés : ainsi, à la toute fin de l'année 1920, Antoinette Thuret convole en deuxièmes noces avec Léon Colombat, veuf de sa cousine germaine Benoîte Thuret, décédée l'année précédente. Antoinette et Léon eurent une fille unique, Odette, née à Lyon en 1926. Vincent Giovendo, quant à lui, s'est rapproché de Marie-Thérèse, la veuve de son neveu Antonin. Et le 15 avril 1922, ils se marient à Roanne. 

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Vincent, âgé de quarante-quatre ans, est photographe. Son atelier se trouve rue Noëlas. Un court article biographique lui est d'ailleurs consacré sur le site portraitsepia.fr


Après une jeunesse durant laquelle il ne fila pas toujours droit - il fut condamné en 1896 pour "filouterie d'aliments" - Vincent s'engage dans l'armée pour cinq années, qu'il passe en Algérie. Démobilisé en 1901, il rentre en France où il travaille comme voyageur de commerce et sillonne la région (Ain, Allier, Saône-et- Loire, Loire, Doubs...) pour les besoins de son métier. Désormais marié et père de famille, il recherche sans doute une vie plus sédentaire et installe son atelier rue Noëlas, quelques années avant la guerre. Parti au front en mars 1915, il est démobilisé en janvier 1919. Il rentre à Roanne et divorce en juillet. 

Une carte postale créée par Vincent Giovendo (1911)
Une carte postale créée par Vincent Giovendo (1911)

Sa deuxième union, hélas , se termine brutalement avec le décès prématuré de Marie-Thérèse, qui meurt à Lyon le 6 mai 1924.  Vincent continuera un temps son métier de photographe, d'abord à Roanne, puis à travers la France. Il restera quelques temps en Ardèche, région qu'il semble affectionner et où il continuera à assouvir sa passion pour la photographie, comme nous l'apprend le journal d'Aubenas en 1925. 

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Sa soeur Philomène et son beau-frère Étienne Thuret, usés par des décennies de labeur, passeront leurs vieux jours dans leur ville de Roanne. Ils ont recueilli Germaine, leur petite-fille orpheline, au décès de sa mère et, le 26 novembre 1932, Etienne l'accompagne à l'autel et devant le maire qui célèbre son union avec Joannès Auclair, boulanger au Coteau . Le jeune couple s'installe dans la région lyonnaise. Dans les années qui suivent, Étienne et Philomène deviennent sans doute arrière-grands-parents.

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Étienne s'éteint à Roanne le 28 octobre 1935. Sa veuve Philomène le rejoint outre-tombe mois d'un an plus tard. Vincent Giovendo occupe les décennies suivantes à parcourir la France et, sans doute, à immortaliser les lieux qu'il affectionnait et qui l'inspiraient. Son voyage s'arrête dans le Nord: il meurt à Roubaix le 2 mars 1962. Hélas, j'ignore s'il a un jour réalisé un autoportrait . 

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