Un vieux gars du Brionnais
- houelse
- 27 oct.
- 4 min de lecture

Ceux qui l'ont connu ne sont plus là pour raconter sa vie. Il ne s'est pas marié et n'a jamais eu d'enfant, il est resté "vieux gars", comme on dit par ici. Jean-Marie Durix , l'un des nombreux descendants du pâti de Varennes, a presque disparu de la mémoire familiale, on n'a que vaguement entendu parler de cet arrière-grand-oncle qui vivait dans le Rhône. Il fait partie de ces solitaires qu'on aurait pu oublier car ils n'ont pas eu de descendants pour se souvenir d'eux.

De timides rayons de soleil percent les brumes glaciales de cette matinée du 2 décembre 1872, lorsque Jean-Claude Durix, cantonnier de trente ans fatigué par une nuit blanche se présente à la mairie de Baudemont (Saône-et-Loire). Il vient déclarer la naissance de son deuxième fils, venu au monde la veille à onze heures du soir. Le jeune père vit au hameau des Crottes avec son épouse Jeanne-Marie Bajard et leur aîné Jean-Claude, qui a à peine deux ans.

Leur troisième fils, Félix, rejoint la famille à l'été 1875. Les Durix s'installent ensuite à La Clayette où naît en 1880 Marie, mon arrière-grand-mère. La famille quitte bientôt la Saône-et-Loire pour le Rhône. Ils s'établissent au bourg d'Aigueperse, où commence une période sombre durant laquelle l'équilibre familial va voler en éclats. Peu de temps après avoir perdu ses propres parents, Jeanne-Marie s'apprête à quitter ce monde. Sans doute malade, elle s'éteint dans la nuit du 7 novembre 1881, à seulement trente-sept ans. Jean-Marie a tout juste neuf ans lorsque l'on enterre sa mère.

Mais Jean-Claude, le jeune père, ne peut s'occuper seul de ses quatre enfants. Ses parents, bien qu'en forme commencent à être âgés et n'habitent pas à proximité. Il prend donc la décision de se remarier.
Le 22 juillet 1882, le jeune veuf épouse en secondes noces une paysanne d'Aigueperse, de seize ans sa cadette : une situation délicate pour Marie Goyard qui à vingt-quatre ans devient belle-mère de quatre jeunes enfants. D'autant plus qu'un nouveau drame survient quelques semaines plus tard: le frère aîné, Jean-Claude, meurt le 3 août à l'âge de onze ans.
La famille recomposée quitte ensuite Aigueperse pour regagner le Brionnais. Les relations sont compliquées entre les enfants et leur marâtre, qui est très sévère avec eux.

Ils habitent à Curbigny, près de La Clayette, lorsque naît un demi-frère, Henri, le 18 octobre 1885. Au recensement de 1886, Jean-Claude Durix est qualifié de cultivateur aisé. Jean-Marie vit encore au domicile de son père, mais quitte le foyer peu après . La famille Durix s'installe sur la commune de Montmelard, tandis que Jean-Marie reste à Curbigny où il travaille comme domestique agricole sur la ferme de Claude Alex. Il vit à Colombier-en-Brionnais lorsqu'il est convoqué pour le service militaire, en 1892.

Jean-Marie n'est pas une force de la nature : à deux reprises il est ajourné pour faiblesse et placé en service auxiliaire. Sur son registre de matricule militaire, le médecin indique également "pieds plats avec saillie anormale de l'astragale".
Le 29 juillet 1894 naît à Montmelard sa demi-soeur Céline Durix. Le vingtième siècle approche et après avoir résidé quelques temps à Saint-Symphorien des Bois, Jean-Marie regagne le domicile de son père.
La famille Durix se réunit le 19 novembre 1901 pour un heureux événement : le mariage de Marie avec Laurent Thuret, cultivateur de Saint-Symphorien. La fille de Jean-Claude et de la défunte Jeanne-Marie quitte donc Montmelard et son quotidien fait de tensions avec sa belle-mère.
Les Durix perdent leur chef de famille le 16 juin 1902: en tout début d'après-midi, Jean-Claude s'éteint à son domicile de Montmelard,un mois avant son soixantième anniversaire. Jean-Marie, Félix et Marie sont réunis pour un dernier adieu à leur père. Séparés par les rancunes mais partageant néanmoins la même peine, près de la marâtre se trouvent Henri, qui a maintenant dix-sept ans, et la cadette Céline, huit ans.

Après la disparition de son père, Jean-Marie quitte le Brionnais pour s'installer à Sainte-Foy-lès-Lyon, tout près de la capitale des Gaules. Il travaille ensuite à Limonest , au château Sandar , ancienne maison forte qui est à l'époque une école d'agriculture et d'horticulture ( devenue aujourd'hui un établissement scolaire privé).
De 1909 à 1910, il vit à La Sône, près de Bourgoin-Jallieu en Isère, avant de revenir travailler pour deux ans à Limonest, où il est de nouveau embauché au château Sandar.

L'aîné des Durix réside ensuite à Couzon au Mont d'Or, chez un certain Monin lorsqu'en 1914 l'armée le rappelle. La guerre est déclarée le 2 août 1914 et dès le 25 novembre, comme la patrie a besoin d'hommes, Jean-Marie Durix est intégré au 66ème régiment territorial d'infanterie, puis affecté en 1915 "à la station magasin de Chalon-sur-Saône". En février 1917, il est détaché comme ouvrier agricole" à la disposition de la préfecture du Rhône ". Définitivement libéré de ses obligations militaires, il se retire à Rochetaillée, commune à flanc de montagne située au nord de Lyon et limitrophe de Couzon.

Au début des années trente, on retrouve Jean-Marie dans son Brionnais natal. Gône d'adoption mais Bourguignon de naissance, la soixantaine venue, le vieil oncle solitaire s'est rapproché de ses racines. Il vit à Sarry, non loin de sa sœur Marie et de ses nombreux neveux, et travaille comme domestique agricole pour la famille d'Alphonse Therriaud, cultivateur et boulanger au bourg.

Il est présent sur la photo du mariage de sa nièce Louise Thuret avec Claudius Descombes, célébré à Sarry le 18 octobre 1933. C'est dans ce village où sa sœur et son beau-frère ont fait souche que Jean-Marie passera les dernières années de sa vie, travaillant comme domestique agricole quasiment jusqu'à son dernier souffle.
Sans doute très malade, Jean-Marie Durix est hospitalisé à Lyon à l'automne 1937. C'est dans une des chambres de l'hôpital Edouard Herriot, inauguré quatre ans plus tôt, qu'il s'éteint le 7 octobre 1937.

Il repose peut-être dans le petit cimetière de Sarry, qui domine le bourg. Dans ce Brionnais qui l'a vu naître, il ne reste guère de souvenirs de Jean-Marie Durix, pas même une pierre tombale à son nom.




En découvrant cette histoire, on a vraiment l’impression de suivre pas à pas la vie de Jean-Marie Durix, comme si on ouvrait une vieille boîte remplie de souvenirs oubliés. C’est touchant de voir comment un homme simple, sans descendance, peut pourtant laisser une trace à travers les archives, les photos et la mémoire ténue de sa famille. Et en lisant tout ça, je me suis dit que ces récits, un peu comme les petits rituels de bien-être qu’on se crée au quotidien, nous aident à rester connectés à l’essentiel. Ça m’a justement rappelé le site https://www.nuitsereine.fr/ qui propose de quoi rendre nos moments de repos plus doux.
Ce parcours de vie, entre drames familiaux, travail agricole, service militaire et retours au…
Un invisible sorti de l'ombre