
Le 1er août 1769, dans la fraîcheur de l'église du Falgoux (Cantal) , Hélix Chanut tient dans ses bras, solidement emmailloté, son filleul Jean Sabatier, qui vient de naître. Son parrain, Jean Fontolive, se tient juste à côté. Le père du nouveau-né, Antoine Sabatier, est également présent, il regarde le vicaire Chanut ondoyer son enfant qui devient officiellement un enfant de Dieu. La mère, Catherine Veschambres, est restée alitée en leur logis du village de Fontolive, elle se remet de l'accouchement. Sa fille aînée, Antoinette, sept ans, est probablement restée avec elle.
Le 9 novembre 1780, la famille se réunit à nouveau dans l'église du Falgoux, cette fois-ci pour célébrer le mariage d' Antoinette avec Antoine Gibert. Son petit frère Jean, 11 ans, et son grand-père Géraud Sabatier, 72 ans, sont probablement présent. Ce bonheur familial ne durera pas. Le 1er avril 1782, Jean Sabatier se trouve de nouveau dans l'église du Falgoux, entouré de la famille. Un cercueil est posé près d'eux. Sa sœur Antoinette vient de mourir prématurément, âgée d'à peine 20 ans.
Quelques années plus tard, Jean, devenu laboureur comme ses parents, unit sa destinée à celle qui sera la première femme de sa vie.

1) Catherine Fontolive
Catherine Fontolive est née au village de Fontolive, sur la paroisse du Falgoux, le 10 février 1763. Elle y a toujours vécu auprès de ses parents laboureurs, Jean Fontolive et Antoinette Vidal. Il est fort probable qu'elle et son futur époux Jean Sabatier, 18 ans, se connaissent depuis l'enfance. Il existe même deux degrés de cousinage entre eux, '' l'un au troisième et l'autre au quatrième ( degré)". Un accord matrimonial est donc trouvé entre les deux familles. Leurs enfants respectifs étant mineurs n'ont sans doute pas leur mot à dire. L'évêque ayant accordé une dispense, les bans sont donc dûment publiés au printemps 1787. Le 29 mai, le mariage est célébré. Leur premier enfant, un fils, naît le 23 avril 1788. Il est prénommé Antoine, comme son grand-père paternel, dont il est le filleul. Six mois jour pour jour avant que n'éclate la Révolution Française, la famille se rassemble, dans la froideur de l'hiver, pour un dernier adieu au vénérable patriarche, Géraud Sabatier, qui s'est éteint le 14 janvier 1789, à 80 ans.

Une fille, mon aïeule Antoinette-Catherine Sabatier, vient agrandir la famille le 16 novembre 1792. Lorsque le siècle s'éteint, tandis que la Terreur règne à Paris, les enfants grandissent au village de Fontolive.
2) Marguerite Chevalier
Une deuxième femme entre dans la vie de Jean Sabatier au début du 19ème siècle. Il s'agit de sa voisine Marguerite Chevalier, une accorte paysanne de 30 ans. Pourquoi Jean a-t-il trompé son épouse ? Impossible de le savoir. Toujours est-il qu'ils deviennent amants, et ce qui devait arriver arriva : Marguerite tombe enceinte. Loin de se défiler, Jean reconnaîtra sa fille illégitime Françoise, qui naît le 5 germinal an XII (26 mars 1805), il ira d'ailleurs lui-même déclarer la naissance à la mairie. La Révolution n'ayant pas encore révolutionné les mentalités, le maire Antoine Combart enregistre l'enfant sous son seul prénom, bien que celle-ci porte le patronyme de son père. Il est bien peu probable que l'épouse légitime n'ait pas été au courant. À l'humiliation du cocufiage s'ajoute celle de voir grandir cette enfant bâtarde née des œuvres de son mari. La maîtresse et la fille illégitime habitent le même hameau.
C'est à peu près à cette période qu'Antoine, le fils aîné, s'engage dans la marine, tandis que l'empereur Napoléon s'apprête à assouvir sa soif de conquêtes. Il devient canonnier sur le navire '' Le Foudroyant '' , et se trouve en plein milieu des combats navals , au large de l'île d'Aix, lorsqu'il est fait prisonnier par les Anglais.
Le 1er mars 1810, sa sœur Antoinette-Catherine, encore mineure, épouse mon ancêtre François Vidal. Elle s'installe avec son époux sur la propriété des Vidal, au village de Besse. Son frère, après avoir passé plusieurs années dans les prisons anglaises, revient en France et va vivre à Paris.

Jean Sabatier devient maire du Falgoux en 1815. François et Antoinette-Catherine Vidal accueillent leur premier enfant, un fils prénommé Louis, le 3 décembre 1816. Jean Sabatier, jeune grand-père de 47 ans, devient veuf au printemps suivant : Catherine Fontolive meurt le 26 avril 1817.
3) Antoinette Gaillard

Le 25 novembre 1817, Jean Sabatier épouse en secondes noces Antoinette Gaillard, 36 ans, originaire du village de la Peubrélie. Son père , qui a 81 ans, est présent au mariage et donne son consentement, mais déclare '' ne pouvoir signer à cause de l'infirmité de son grand âge''. Antoinette donne naissance à une fille, Catherine, le 21 septembre 1818. Son frère Jacques naît le 29 mars 1820.
Le 18 janvier 1822, la famille est de nouveau dans le deuil : le grand-père, Antoine Sabatier, a rejoint son épouse dans la tombe.

De ses trois femmes, Jean Sabatier aura eu cinq enfants:
Antoine, le fils aîné, épouse, probablement à Paris vers 1820, Sophie Chaffaux, originaire de l'Aisne. Le couple aura trois enfants.
Antoinette-Catherine, sa sœur cadette, épouse de François Vidal, vit à Besse entourée de ses dix enfants.
Françoise, la fille illégitime, épouse au Falgoux en 1826 Antoine Raboisson. Ses deux parents sont présents à la noce. Plusieurs enfants viendront agrandir la famille, qui vivra quelques temps à Paris avant de revenir au village.
Catherine épouse en 1841 Jean Vizet, le couple aura quatre enfants.
Jacques, le petit dernier, passera l'essentiel de sa vie à Paris, où il travaille comme commissionnaire. Son épouse Anne Maisonneuve lui donnera deux enfants. Après une vie bien remplie, Jean Sabatier coule une retraite paisible au Falgoux, auprès de sa dernière épouse. La première, aimée, puis trahie, est partie depuis longtemps. Sa maîtresse, Marguerite Chevalier, a quitté le village pour vivre à Paris où elle est décédée. La troisième est là, près de lui, et l'accompagne depuis 35 ans. Jean apprend avec tristesse le veuvage de son fils aîné, en 1846. Il est sans doute également très fier d'apprendre, en 1851, que ce dernier est élevé au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur, en reconnaissance de sa bravoure lorsqu'il était dans la marine du temps des guerres Napoléoniennes. Jean Sabatier aura la satisfaction de vivre assez longtemps pour connaître plusieurs de ses arrière-petits-enfants. Il s'éteint au Falgoux le 9 mai 1853.

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