Le tisserand de Labessette
- houelse
- 15 oct.
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Assis devant parmi les autres convives, Jacques Brugère repose ses vieilles jambes. Le sexagénaire a fait un long voyage de cinquante kilomètres pour assister au mariage de son fils, un périple assez considérable à cette époque. Jacques est fermier à la Grange-Haute, hameau dépendant de la commune de Labessette, juchée sur ces rudes montagnes du Puy-de-Dôme où ses ancêtres vivent et triment depuis la nuit des temps. Il est seul à consentir à l'union de son fils Michel : son épouse Anne Verniol a quitté ce monde depuis bien des années, après lui avoir donné une dizaine d'enfants. Michel Brugère est le sixième de la nombreuse fratrie qu'il a engendrée.

Debout au côté de sa future épouse, Michel écoute gravement le maire de Chalvignac, commune du Cantal où les familles Brugère et Delmas sont rassemblées en ce 22 février 1832. Antoine Peyrac relit d'une voix forte l'acte de mariage.

C'est à la Grange-Haute que commença le 8 novembre 1808 la courte vie de mon aïeul Michel Brugère. Contrairement à ses nombreux frères et sœurs, il a quitté sa terre natale pour s'installer à Chalvignac où il exerce le métier de tisserand. Son vieux père, âgé de soixante-et-un ans, a donc effectué le déplacement pour être présent à ses côtés. Peut-être fut-il accompagné par un autre membre de la famille.
Michel s'apprête à unir sa destinée à celle de Louise Delmas, que tout le monde surnomme Élise. Désormais orpheline, elle est la fille d'un couple de cultivateurs du village de la Forestie, Antoine Delmas et Jeanne Jarrige. Élise a vu le jour à Chalvignac le 8 septembre 1799, mais son acte de naissance ne figure pas dans les registres : sa famille a purement et simplement oublié de la déclarer. C'est pourquoi un acte de notoriété a été établi par le juge de paix de Mauriac.

Michel Brugère et Elise Delmas sont désormais mariés. Après la célébration, le vieux Jacques regagne son village de la Grange-Haute et le jeune couple s'installe à la Forestie. Le 11 décembre 1833, accompagné par deux voisins, Michel brave le froid glacial pour descendre au bourg et se rendre à la mairie : Antoine Peyrac rédige alors l'acte de naissance du premier fils que lui a donné Élise : Pierre Brugère est né la veille à neuf heures du soir. Viendront ensuite Jacques en 1835, Jeanne en 1836, puis mon ancêtre Marie le 21 août 1838.

Leur grand-père, le vieux Jacques, ne passera hélas pas l'hiver 1840: il décède en sa ferme de la Grange-Haute le 26 février. Quelques mois après ce deuil, un évènement joyeux rassemble à nouveau les membres de la famille Brugère : le mariage de la soeur cadette de Michel, Antoinette, qui est venue vivre à la Forestie et exerce le métier de tisserande. Elle épouse en janvier 1841 Jean Delmas, cordonnier ambulant domicilié au même village.
Les Brugère vivent paisiblement avec leurs enfants, jusqu'à ce qu'un destin cruel arrache le jeune père de famille à l'affection des siens. Accident ou maladie, impossible à dire. Au matin du 20 septembre 1848, Michel Brugère meurt à son domicile, vers huit heures du matin. Âgé d'à peine quarante ans, le tisserand de Labessette laisse quatre jeunes enfants dont la plus petite n'a que dix ans. La pauvre Élise va devoir veiller seule sur sa progéniture.
Dix années passent. Élise, qui vit toujours à la Forestie en compagnie de ses enfants , a la joie de marier deux d'entre eux en moins d'une semaine. Le 20 janvier 1858, Pierre Brugère, l' aîné âgé de vingt-cinq ans, épouse Jeanne Fressange, fille de fermiers du village de Crousit. Le 27 janvier, sa sœur Jeanne Brugère convole avec François Jourdonneix, ouvrier ferblantier comme son frère Pierre, tout jeune marié, qui est témoin.
Élise devient grand-mère en 1860: le 9 septembre, un garçon prénommé Pierre voit le jour au foyer des Jourdonneix.
Le 23 avril 1861, le jour décline et le soleil s'apprête à tirer sa révérence lorsqu' Elise Delmas, veuve Brugère, rend son dernier souffle. Deux voisins vont le lendemain midi faire la déclaration auprès du maire Jean Peyrac. Les familles Brugère, Delmas et Jourdonneix sont réunies quelques jours plus tard en l'église Saint-Martin pour un dernier adieu. Jeanne Jourdonneix, alors, est de nouveau enceinte et donne le jour à une fille, Marie, début septembre.

Après la disparition de leur mère, les Brugère-Jourdonneix doivent se rendre à l'évidence : ils sont à présent nombreux sur la ferme, sans compter les futurs enfants qui viendront bientôt agrandir la famille. Pierre et son beau-frère François , qui sont tous deux ferblantiers, décident de quitter Chalvignac et s'établissent à Fraisans, dans le Jura. Jacques, quant à lui, s'installe à Condé, en Moselle, pour gagner sa vie dans le commerce de la quincaillerie. En 1863 il épouse à Boulay-Moselle Anne Paul, qui lui donnera six enfants.

Pierre Brugère et sa femme Jeanne resteront plusieurs années à Fraisans, mais demeureront sans descendance, hormis un fils mort-né et une fille, Rose, décédée à l'âge de onze ans. Ils finiront leur vie à Mulhouse.
Les Jourdonneix auront cinq autres enfants, les deux derniers sont nés à la Forestie, où le couple est revenu vivre vers 1874.
Marie Brugère, la fille cadette de Michel et Élise, est restée vivre au village, où elle passera toute sa vie. Elle y épouse le 17 janvier 1866 Michel Berche, cultivateur au village de Crousit. Le couple engendrera six enfants, dont mon arrière-grand-mère Joanna.




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