
Bienheureux le généalogiste qui a des ancêtres en Saône-et-Loire, car c'est un département très riche en archives anciennes. Les plus vieilles archives paroissiales connues en France sont d'ailleurs conservées par la commune de Givry, sur la côte Chalonnaise, où l'on peut trouver des registres datant de 1334! Dans la plupart des villages on peut retracer sa lignée jusqu'au début du dix-septième siècle, voire avant.
On croit généralement que plus on remonte loin dans le temps, plus il est difficile de déchiffrer les actes. C'est souvent faux, comme on peut le constater en complusant les registres paroissiaux de la commune de Dyo, petit village du Brionnais à mi-chemin entre Charolles et La Clayette, dont les plus anciens remontent à 1610. Jusqu'à une période très lointaine, ces registres étaient remarquablement bien tenus, lisibles, relativement détaillés, et les documents originaux ont bien été conservés. Il fut donc assez aisé de remonter jusqu'à mon aïeule, Gasparde Saulnier, habitante de Dyo, qui fut pendant très longtemps la personne la plus haut perchée sur mon arbre généalogique.

Gasparde Saulnier est née à Dyo le 4 mai 1673, elle était la fille de Benoid Saulnier, " laboureur de la paroisse de Changy et granger au domaine de la Vaux, paroisse de Dyo", et de son épouse Claudine de la Croix. Baptisée le jour-même par le curé Circaud, elle eut pour parrain Laurent Chevalier, bourgeois de La Clayette, et fermier de Dyo et d'Amanzé, et Gasparde Besson, fille de Messire Pierre Besson, notaire royal et juge d' Amanzé, qui ont signé le registre avec l'ecclésiastique. Des parrain et marraine prestigieux, comme c'était souvent l'usage à l'époque. Les parents de Gasparde se sont mariés à Dyo le 8 février 1671:

Transcription de l'acte de mariage de Benoît Saulnier et Claudine de la Croix: "Benoist Saulnier, laboureur de la paroisse de Dyo, âgé de 49 ans, et Claudine de la Croy âgée de 30 ans ont reçu la bénédiction nuptialle le huictième jour de fébvrier 1671, en présence de Nicolas Furtin de la paroisse de Saint Jullien, Pierre Saulnier, cousins dudict Saulnier; Nicolas de la Croy, frère de la dicte de la Croy, qui les parties n'ont signé pour ne le savoir enquis, ainsy signé : Gautheron "
Ce que l'acte ne précise pas, c'est que les deux mariés sont veufs en premières noces : Claudine, d'Antoine Ducerf, et Benoît, de Jeanne Ducarrouge. Et quelques années plus tard, Sébastien et Jean Ducerf, deux des fils de Claudine, épouseront respectivement Claudine et Emilianne Saulnier, deux des filles de Benoît Saulnier et Jeanne Ducarrouge.

Lorsque naît Gasparde, elle a déjà une soeur aînée, Pierrette, venue au monde le 9 décembre 1671. Leur frère cadet, Jean, voit le jour le 7 novembre 1675 et est baptisé le lendemain. Le destin d'une fille pauvre de la campagne brionnaise, à l'époque, était de rapidement se marier, si possible avec un honnête parti, et de fonder une nombreuse famille. Gasparde n'échappe point à la règle. Des arrangements sont trouvés entre les Saulnier et la famille Girardon, de Changy - une proche paroisse- et le 15 février 1689, c'est un double mariage qui est organisé en l'église de Dyo: Gasparde, quinze ans et demie, épouse Georges Girardon ; dans le même temps, le curé de Dyo bénit l'union de Jean Girardon, le frère de Georges, avec Marie Saulnier, cousine germaine de Gasparde, à peine plus âgée qu'elle.

Voici la transcription du double acte de mariage: "Le même jour que dessus Jay espouzés Jean et Georges Girardon aux dites Marie et Gasparde Saulnier, de cette paroisse, lesdits Girardon de la paroisse de Changy, l'un âgé d'environ 18 et l'autre de 17 ans, lesdites Saulnier d'environ du mesme âge que les susnommés, et ont été accompagnés dans leurs espouzailles de Benoist Saulnier et François Delorme, de Vau et Nicolas Rajaud et de plusieurs autres de leurs parents amis lesquels n'ont signé pour ne le savoir enquis".
Les âges mentionnés sur l'acte sont approximatifs, mais proches de la vérité : Gasparde n'a pas seize ans lorsqu'elle quitte son village et sa famille pour suivre son époux à Changy où vivent et travaillent les Girardon. Elle n'est cependant pas totalement en terrain étranger puisque sa cousine Marie suit également son époux à Changy. Georges Girardon a 22 ans, il est né le 27 septembre 1667 à Changy, troisième des nombreux enfants de Lucas Girardon et Nicole Lamborot, aujourd'hui âgés d'environ soixante ans.

Une première fille, Claudine, voit le jour à Changy le 18 avril 1691. À Dyo, les nouvelles ne sont pas bonnes : la santé des parents de Gasparde décline. Le 14 février 1693, Benoît Saulnier meurt " âgé d'environ soixante-cinq ans après avoir reçu les sacrements" et est " accompagné dans son enterrement par Claudine de la Croix sa femme , Sébastien et Jean Ducerf, ses gendres, et Messire Nicolas de la Croix, son beau-frère ". Sa veuve le suit de près dans la tombe, elle décède le 15 mars suivant, elle " a esté ensevely dans l'église de Dio le quinzième mars après avoir reçu tous ses sacrements" et était âgée d'environ 57 ans. Son fils Sébastien Ducerf et son neveu Nicolas Saulnier assistent aux funérailles.


Gasparde, sûrement, ne pourra y être. Elle est à présent occupée, outre les travaux de la ferme et son premier-né, par une deuxième grossesse. Jean Girardon, premier fils de Georges et Gasparde, est baptisé le 7 janvier 1694. Le pauvre enfant meurt quinze jours plus tard, son grand-père Lucas et son oncle et parrain Jean Girardon sont présents à l'enterrement. Sa sœur, mon aïeule Pierrette, arrive le 7 mars 1696. Suivront Lucas, Jean, Marie, Marguerite, Nicolas et Claude entre 1702 et 1715.
Le 15 novembre 1712, Georges Girardon et son épouse Gasparde assistent au mariage de leur fille aînée, Claudine, avec Benoît Carreau. Les grands-parents Girardon, Lucas et Nicole, sont sûrement présents aussi, malgré leur grand âge. À quarante ans, Gasparde devient grand-mère le 15 décembre 1713 : Marie Carreau est baptisée en l'église de Changy, ainsi que son frère Benoît le 25 mars 1715. Lucas Girardon verra naître son arrière-petite-fille Pierrette Carreau le 15 mars 1717, avant de s'éteindre le 10 avril suivant, à 86 ans. Sa veuve Nicole Lamborot s'éteint à la fin de l'été 1719. Une semaine après les funérailles de sa belle-mère, Gasparde devient veuve: son époux Georges Girardon meurt le 2 septembre 1719 à l'âge de 51 ans, " après avoir reçu les sacrements nécessaires à son salut". Il est inhumé le lendemain.
En peu de temps, la famille Girardon-Saulnier a dû affronter de nombreux malheurs. Gasparde doit maintenant faire face, elle a encore de jeunes enfants, et plusieurs petits-enfants en bas âge. Les aînés sont déjà en âge de se marier, il va falloir leur trouver de bons partis. Dans deux mois, à la toute fin de l'année, sa fille Claudine doit accoucher de son quatrième enfant. Le jour de la Saint-Sylvestre, la femme de Benoît Carreau perd les eaux, l'enfant arrive. Mais des complications surviennent: le nouveau-né, que l'on prénomme Étienne et qui est très vite baptisé, ne vit que quelques heures. Son acte de sépulture suit immédiatement son acte de baptême sur le registre paroissial. On l'enterre le 1er janvier 1720. La mère est aussi très mal en point, on fait venir le curé qui lui administre " les sacrements de pénitence et d'extrême onction". Le 3 janvier 1720, Gasparde enterre sa fille Catherine décédée la veille à l'âge de 28 ans.

Éprouvée par ce nouveau deuil, sa santé chancelle également. Elle ne s'en remettra pas: le 23 avril 1720, sentant que c'est la fin, la famille fait prévenir le curé qui, heureusement arrive à temps pour l'extrême onction. Gasparde Saulnier, veuve Girardon, s'éteint entourée de ses enfants et petits-enfants qui l'accompagnent à sa dernière demeure le lendemain. Elle avait à peine 47 ans et laisse une très nombreuse descendance. Elle était l'ascendante directe de Joseph Fayolle et Claudine Fayolle, la regrettée épouse de Jean Billard, le veuf du Plâtre.

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