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Le printemps des Vidal

  • houelse
  • 26 mars
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 mars

"Au printemps, tout renaît, tout fleurit", écrivait en 1872 le poète Eugène Goubert. Si le printemps est pour beaucoup de gens une  saison délicieuse,  symbole du renouveau et de l'espoir, cette période de l'année restera une époque maudite pour mes ancêtres Vidal du Falgoux. La lame cruellement aiguisée de la Faucheuse a, en 1881,  ratiboisé jonquilles et primevères, et ce sont des odeurs de chrysanthèmes qui flottent dans l'air. Déjà éprouvée par le décès de son patriarche l'été précédent, la famille Vidal, qui cultive la terre au village de Besse depuis plusieurs générations, va être lourdement endeuillée. 

Carte postale représentant un paysan dans son "cantou", large cheminée dans laquelle on pouvait tenir assis sur un banc
Carte postale représentant un paysan auvergnat dans son " cantou", large cheminée où on pouvait tenir assis sur un banc

1/ Une très grande famille


En 1880, les Vidal possèdent une ferme qui semble être florissante : quatre domestiques, en plus des trois générations de Vidal, y vivent. Au total douze personnes. Assis au cantou qu'ils ne quittent sans doute plus guère, les grands-parents : François et Toinette Vidal sont mariés depuis soixante-dix ans. Louis, leur fils aîné, tient la ferme avec son épouse Marie-Catherine, née Rouchy. Avec eux vivent encore trois de leurs dix enfants : François, l'aîné, célibataire de 33 ans,et ses deux soeurs Marie, 24 ans et Marguerite, 20 ans. Les autres ont quitté le foyer, construisant leur vie ailleurs. Louis a également recueilli son neveu orphelin, Emile Vidal. 


François, depuis son cantou, observe son petit monde, cette jeunesse qui s'affaire

Le domaine est entre de bonnes mains, il pourra partir tranquille. Et c'est ce qu'il fait, le 14  juillet 1880. C'est par un été orageux que sa nombreuse famille accompagne le nonagénaire à sa dernière demeure. François Vidal était né sur le domaine de Besse le 14 janvier 1790, six mois pile après la prise de la Bastille. Ses parents Louis Vidal et Jeanne Soubeyrou y étaient cultivateurs. La famille Vidal était  implantée au Falgoux depuis 1666, quand l'aïeul de François, Antoine Vidal, natif de Murat, y a épousé Antoinette Julien.


Leur fils aîné se nommait Jacques Vidal, et exerçait au bourg du Falgoux le respectable métier de maître chirurgien. 


Louis, fils de Jacques,  est né au bourg, où il s'est éteint en 1788 à l'âge de 91 ans. Son fils aîné Jacques Vidal, né en 1736, était le grand-père paternel de François. 

Louis , fils de Jacques et père de François, a vu le jour le 22 janvier 1758. En 1785 il épousa Jeanne Soubeyrou, dont les parents étaient laboureurs à Besse. C'est probablement à cette époque que la ferme de Besse est passée aux Vidal. 



Lorsqu'il naît en 1790, François Vidal a déjà une sœur aînée, Élise. Six cadets viendront les rejoindre. Quand commence le dix-neuvième siècle, c'est une famille assez nombreuse qui vit à Besse: il y a là le père, Louis Vidal , la mère Jeanne Soubeyrou, leurs enfants mais aussi la grand-mère maternelle Élise Vizet et le grand-père paternel Jacques Vidal. Ce dernier s'éteint à Besse le 5 octobre 1802. 


François, qui est le fils aîné, reprendra la ferme. Il se marie très jeune, avec une demoiselle encore plus jeune: le 1er mars 1810, tout juste âgé de vingt ans, il épouse Antoinette-Catherine Sabatier - dite Toinette- qui en a à peine dix-huit. Cette dernière est la fille de mon ancêtre Jean Sabatier et soeur de mon illustre grand-oncle Antoine Sabatier. Le couple ne donnera naissance à son premier enfant que six ans plus tard. Le 3 décembre 1816, c'est auprès de son beau-père Jean Sabatier, maire du Falgoux, que François Vidal déclare la naissance de son fils Louis, qui porte, comme c'est la tradition chez les Vidal, le prénom de son grand-père paternel.


L'enfant a encore ses quatre grands-parents, ainsi que son arrière-grand-père Antoine Sabatier (80 ans) et son arrière-grand-mère Elise Vizet (veuve Soubeyrou, 75 ans). Il aura neuf frères et sœurs. Sans doute n'ont-ils pas tous pu être présents aux obsèques du vieux François, en cet orageux mois de juillet 1880. 



2/ Le printemps maudit 


François Vidal fut enseveli avec, on le suppose, un hommage mérité. Rapidement  il faut reprendre ses occupations, le travail n'attend pas. Depuis de nombreuses années maintenant, Louis Vidal est le chef du domaine de Besse. Il a naturellement succédé à son père François, comme le lui impose sa position de fils aîné. Le chef de famille est marié depuis 1846 avec Marie-Catherine Rouchy, née à Saint-Bonnet de Salers le 13 décembre 1815. Cette dernière est la fille d'un marchand voyageur, Guillaume Rouchy, mort depuis bien des années à l'hôpital de Madrid, où il résidait pour ses affaires. Sa mère, Jeanne Tible, avait quitté ce monde depuis une décennie lorsque Marie-Catherine épousa Louis. 



Le couple a donné naissance à dix enfants. François, né en 1847, apparaît comme l'héritier naturel de Louis, puisqu'il est l'aîné. Il vit et travaille sur le domaine, espérant peut-être se marier prochainement, et élever à Besse ses nombreux enfants, comme l'ont fait avant lui trois générations de Vidal. Son frère Pierre-André, d'un an plus jeune, est fermier au village de Rochemonteil où il vit avec sa femme et ses deux filles. Antoine, le troisième fils, a précédé son grand-père dans la tombe en 1867. Les filles sont presque toutes mariées et mères de famille: Anne ( épouse Raoux) reste au Vaulmier. Elise ( épouse Garinot) et Antoinette (épouse Besson) habitent à Paris. Jeanne, mon aïeule, née en 1854, vit au Falgoux avec son époux Jean Veyssière et leur premier fils. Firmin, le plus jeune des frères, a rencontré Dieu: il est entré en religion chez les Frères des Écoles Chrétiennes et enseigne le dessin à Limoges. Restent les deux cadettes, Marie et Marguerite, mais Louis ne doute pas qu'il leur trouvera bientôt un bon parti. 


Passe l'automne . La grand-mère, Toinette, arrive en novembre sur ses quatre-vingt-huit ans et sa santé ne s'arrange pas. L'hiver vient . Lorsque l'on se souhaite la bonne année, en ce 1er janvier 1881, personne ne se doute encore que trois membres de la famille Vidal seront morts d'ici quelques mois. 


L'hiver meurt lentement et le printemps se prépare à naître. À Besse, on s'inquiète pour la grand-mère, qui n'en a sans doute plus pour très longtemps et s'apprête à rejoindre son pauvre mari dans la tombe. Mais, le 7 mars, c'est sa belle-fille qui passe de vie à trépas : Marie-Catherine s'éteint à dix heures du soir. 

À nouveau les Vidal se réunissent au cimetière. Le caveau à peine refermé, la mort frappe une fois encore à Besse: Toinette s'éteint moins d'une semaine après sa belle-fille, le 13 mars. Il est cinq heures du matin lorsqu'elle rend son dernier souffle.

Rudement éprouvée, la famille enterre son aïeule. On se soutient dans la peine, on s'inquiète pour Louis : très affecté par ces deuils successifs, il est au plus bas. Mais le père de famille ne s'en remettra pas. Dans la soirée du 1er avril 1881, Louis Vidal, qui vient d'enterrer sa femme et sa mère, meurt à son tour, dans sa soixante-quatrième année. 



3/ La reconstruction 

Le cimetière du Falgoux, où reposent les Vidal
Le cimetière du Falgoux, où reposent les Vidal

Le printemps 1881 fut terrible pour la famille Vidal. Comment ont-ils surmonté ces deuils successifs? Effondrés après la disparition de leurs parents, François et ses deux soeurs sont désormais seuls à Besse. On suppose que François est à la tête du domaine. Il deviendra en 1884 maire du Falgoux, à l'instar de son grand-père maternel Jean Sabatier. Il vivra quelques années auprès de sa sœur Jeanne Veyssière, avant de quitter la commune. Peut-être a-t-il fini ses jours à Paris ? Sa trace se perd en 1888 lorsqu'il cède sa place de maire à son adjoint Blaise Fontolive. La propriété de Besse fut sûrement vendue à cette époque. Le cousin Émile, quant à lui, est reparti à Paris, où il apprendra le métier de mécanicien. Il exerçait toujours cette profession lorsqu'il est mort en 1902, à l'hôpital Broussais.


Le temps efface les blessures et la vie, malgré tout, reprend ses droits, comme les herbes sauvages recouvrent des ruines.  En 1882, les deux plus jeunes soeurs Vidal se marient: enfin des réjouissances après tant de deuils.

 Le 14 janvier, Marie épouse Antoine Vidal, un cousin éloigné. Le couple s'installe au Falgoux, où ils élèveront leurs quatre enfants et finiront leurs jours.

Le 18 novembre, Marguerite épouse Jean Chambon , domestique à Rochemonteil. Les Chambon seront agriculteurs au Falgoux où ils passeront toute leur vie. Ils auront trois fils: l'aîné ira vivre à Paris, le deuxième mourra en bas âge et le troisième deviendra religieux et enseignant, après avoir vécu quelques années aux États-Unis.


En cette année 1882, on célèbre chez les Vidal plusieurs naissances, plusieurs vies qui commencent.



Pierre-André déclare fièrement, le 29 juin 1882, la naissance de son premier fils: Jean-Baptiste Vidal aura une vie bien remplie. Premier de sa famille à obtenir le baccalauréat, il parcourra le monde avant de briller dans les tranchées. Il se mariera après la guerre et deviendra professeur de mathématiques.  


Marie accouche de son premier enfant le 29 octobre : la petite fille est prénommée Anna. Elle résidera au Falgoux avec son mari Léon Lamoure et leurs six enfants. Veuve de guerre ( Léon est "Mort pour la France" un mois avant l'Armistice) elle finira sa vie à Mauriac en 1958.

Le 29 novembre, Jeanne donne naissance à mon arrière-grand-oncle Pierre Veyssière. Cultivateur, il restera toute sa vie au Falgoux où il s'éteindra célibataire en 1941. 


Louis et Marie-Catherine ne sont plus là pour le voir, mais leurs dix enfants donneront naissance à quarante-six petits-enfants. Après le funeste printemps 1881, la vie a retrouvé son chemin. Les frères et soeurs Vidal sont tous défunts aujourd'hui, mais leurs nombreux descendants, dont je fais partie, continuent à vivre , dispersés aux quatre coins de l'hexagone. Et peut-être même aux quatre coins du monde? Une nouvelle piste à suivre, qui sait? 






1 Comment


Dominique Lenglet
Mar 26

J'aime beaucoup le style

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