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Les soeurs Ducher, épisode 7 : Anna Ducher

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Mon aïeule Anna Ducher a vu le jour le 9 mars 1868, à onze heures du soir, dans le bourg de Saint-Vincent de Salers, au coeur de la Vallée du Mars qu'elle ne quittera jamais. Son père Jean Ducher est un terrassier de cinquante ans. Sa mère Antoinette Dumas va avoir 37 ans dans une semaine. Ensemble, ils ont déjà sept enfants ( cinq filles et deux garçons), sans compter la fille illégitime d' Antoinette, Marguerite Dumas, née en 1849. C'est donc les yeux fermés que Jean se rend à la mairie , flanqué du facteur Jacques Dumas et de l'instituteur Michel Dutourd. Le maire Firmin de la Tour rédige l'acte, comme d'habitude. Et Jean, comme d'habitude, prénomme sa fille Marguerite. On la surnommera Anna, comme sa mère. 





La famille Ducher vit au bourg de Saint-Vincent, qui compte alors près de 600 habitants. Le père , qui est terrassier, travaille également comme domestique pour la famille Du Fayet de la Tour. Au foyer de Jean, où vient d'arriver Anna, habitent encore sa soeur  Marguerite (10 ans), ses deux frères Antoine (5 ans)  et Pierre (7 ans). Les trois soeurs aînées sont déjà dans la vie active et ont quitté la maison. Anne et Marie sont domestiques pour Guillaume et Hélène Vilbonnet, cultivateurs au hameau de Lachant. Agathe, également domestique de ferme, travaille sur le domaine de sa grand-mère paternelle Anne Mathieu, au village de Colture. Quelques années plus tard, leur grand-mère maternelle, Marguerite Borderie, veuve Dumas, vient vivre avec eux. Elle a alors près de 80 ans. Le 1er septembre 1870, une nouvelle petite soeur, Louise-Anna, vient s'ajouter à la nombreuse fratrie. 

L'année 1873 sera marquante pour les Ducher. Le 31 mars, un dernier petit frère, aussi prénommé Pierre, voit le jour. Si  sa mère vient d'accoucher pour la dernière fois, la petite Anna remarque sans doute que sa sœur Anne- qui ne travaille plus et est revenue habiter chez les parents - a également le ventre qui s'arrondit. Le 7 mai, un drame frappe la famille Ducher: la petite Louise-Anna meurt âgée de seulement trois ans.


Après le deuil, c'est une nouvelle naissance qui a lieu chez Ducher: le 16 août , Anne donne le jour à Antoinette Ducher, une petite fille sans père. C'est sans doute avec une joie peu débordante qu'est accueillie l'enfant. En 1876, ce sont neuf personnes et quatre générations qui cohabitent au foyer de Jean Ducher: il y a les parents, leurs trois plus jeunes enfants Elisa, Anna et Pierre, leur fille aînée Anne, sa fille Antoinette et la soeur de celle-ci Catherine ( née entre-temps) et bien sûr la grand-mère, qui a maintenant 82 ans. Anna voit naître en 1878 une troisième nièce, Jeanne. 


Un à un, dès lors qu'ils sont en âge de travailler, les aînés quittent la maison. Agathe s'est mariée en 1875, elle vit au bourg avec son époux Joseph Colombier et à déjà une petite fille. Marie part tenter sa chance à Paris, où elle est femme de chambre. Elle y trouvera un mari et s'y installera définitivement. Marguerite la suit peu après et s'installe quelques temps chez elle avant de trouver un emploi de cuisinière. Pierre, domestique au village de Roche pour la famille Chambon, puis pour les Dufayet de la Tour, songe également à se lancer dans la conquête de la capitale. Il trouvera un point de chute chez ses oncles Dumas, qui y habitent. Anne, l'aînée, qui approche déjà la trentaine régularise sa situation en épousant Jean Audigier. Ils s'installent au bourg et fondent une famille de cinq enfants. 

La brave grand-mère, Marguerite Dumas, née Borderie, tire sa révérence le 18 avril 1883, à l'âge avancé de 89 ans. Sa nombreuse famille - à l'exception sans doute de ceux qui vivent à Paris - lui rend un dernier hommage avant son inhumation au cimetière-vieux, près de l'église.

Antoine part pour l'armée en décembre 1885. Mobilisé au 80ème de ligne, sa carrière militaire ne durera pas longtemps : gravement malade, il meurt de la dysenterie le 13 août 1886 à l'hôpital des Collinnettes de Lyon. Son jeune frère Pierre décède à son tour le 2 septembre, à seulement treize ans. Après cette succession de malheurs, la vie doit continuer. Anna approche maintenant la vingtaine et va devoir songer à fonder à son tour une famille.  

Elle est la dernière des soeurs à se marier. Le 13 mars 1890, les cloches de l'église de Saint-Vincent sonnent à toute volée pour célébrer son union avec Jean Vigouroux. C'est un honnête homme de 36 ans, menuisier de son état, issu d'une lignée de meuniers. Il vit avec ses parents au moulin d'Auze, sur la commune d'Anglards-de-Salers. Jean mesure 1m68, a les yeux, les sourcils et les cheveux bruns, le nez fort et le menton large. Un solide gaillard bien bâti. Il a reçu une éducation plutôt bonne pour l'époque, le chiffre "3" de la catégorie " degré d'instruction" de sa fiche matricule indique que non seulement il sait lire et écrire, mais possède " une instruction primaire plus développée". À l'issue de son service militaire, il a vécu de 1884 à 1886 au 8 passage Thiéré, dans le onzième arrondissement de Paris, avant de revenir dans le Cantal. 



Ses parents, Joachim Vigouroux et Antoinette Bonnefont, ont fait le déplacement depuis Anglards. Les témoins choisis sont Jean-Antoine Bonnefont - cousin de Jean qui habite Saint-Vincent - et Jean-Marie Layac, un petit-cousin qui vit à Escorailles. Du côté de la mariée, nous retrouvons Joseph Colombier et Jean Audigier, les deux beaux-frères d'Anna. Tout le monde signe l'acte, sauf les deux mères des époux. 

Installés au bourg de Saint-Vincent, Jean et Anna Vigouroux n'auront que des filles. L'aînée, Félicie, vient au monde le 5 janvier 1891. Sa sœur Berthe - mon arrière-grand-mère- arrive le 9 août 1892, suivie de près par Justine le 30 août 1894 et Marie-Louise le 28 avril 1896. Cette dernière, hélas, ne vivra que deux semaines. Deux voisins, François Vizet et Louis Mathieu, déclarent le décès le 13 mai. L'acte est rédigé par le maire Henri du Fayet de la Tour. 


Le 3 juillet 1897, à cinq heures du matin, s'éteint en son domicile du bourg Antoinette Dumas, épouse Ducher. Elle avait donné la vie à onze enfants , avait eu trente-six petits-enfants éparpillés entre la vallée et la région parisienne,et était sept fois arrière-grand-mère, à seulement 66 ans. La vie reprend son cours et le pauvre père Ducher, maintenant octogénaire, perd la raison et agit de manière erratique. Il a des lubies étranges et fait régulièrement des fugues, accompagné de son chien. Il part marcher dans la montagne qu'il connaît par coeur, disparaissant parfois des journées entières, avant de revenir à la maison. Mais le 8 juillet 1900, le petit chien revient seul. La famille signale sa disparition et la gendarmerie de Salers mène l'enquête. Le 5 août, c'est Jean Vigouroux qui découvrira le corps de son beau-père, en état de putréfaction au pied d'un rocher. Le vieil homme a fait une chute fatale et n'a pas pu se relever. Le décès est déclaré le jour même. 

Au village, la vie reprend ses droits. Un nouvel enfant vient agrandir la famille de Jean et Anna le 19 novembre 1905. La petite fille est prénommée Léontine, mais on l'appellera toujours par son deuxième prénom, Antoinette. Elle passe ses premières années au bourg, tandis que ses aînées entrent à leur tour dans la vie active, après un bref passage par l'école communale. Félicie est bergère pour le fermier Pierre Jarrige, à La Saliège, commune du Vaulmier. Berthe n'a pas quitté sa commune natale, elle est domestique à Roche, à la ferme Pebrel. Justine, quant à elle, ne semble plus être dans la vallée, peut-être a-t-elle déjà rejoint sa tante Elisa à Paris ?

Au printemps 1914, Jean Vigouroux conduit sa fille Berthe à l'autel, elle y rejoint son promis, Gabriel Veyssière, vacher de 28 ans natif du Falgoux. Leur fille Marie-Louise -ma grand-mère- naît à leur domicile du bourg le 23 janvier 1915. Sa soeur Jeanne vient au monde le 4 mars 1917. Gabriel, qui avait été exempté du service militaire en 1907, puis ajourné par le conseil de révision au début de la guerre, est finalement mobilisé et quitte le village deux mois plus tard. Resté à l'arrière du front, il revient sain et sauf en 1919. Le 15 avril 1920, Justine Vigouroux épouse à Paris son cousin germain Henri Vigier. Le couple aura quatre enfants.


Le 13 janvier 1923, la famille Vigouroux de Saint-Vincent est unie dans le deuil, et en l'église glaciale rend un dernier hommage à son patriarche. Jean Vigouroux s'est éteint deux jours plus tôt à son domicile. Leur plus jeune fille, Antoinette, a à peine dix-huit ans.


Le 3 mai 1930, Anna donne son consentement à sa fille cadette pour épouser Georges Gilbert , cultivateur né à Riom-ès-Montagne. Le couple emménage à Saint-Vincent où il élève ses quatre enfants. Justine et Henri, à la même période, quittent Paris pour venir s'installer au Falgoux où naît le petit dernier, Marcel.


Le 3 janvier 1934, Marie-Louise Veyssière épouse Maurice Lafon et neuf mois plus tard, le jour de la Toussaint, Anna Vigouroux devient arrière-grand-mère pour la première fois, à l'âge de 66 ans. Un frère et une soeur rejoindront leur aîné en 1936 et 1937. L'année suivante, Jeanne épouse Joseph Duport et ils ont fils en 1940. Devenue matriarche, Anna vit donc ses vieux jours entourée de sa nombreuse famille : quatre filles, huit petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants. Elle habite auprès de sa fille Antoinette et son gendre Georges, au bourg de Saint-Vincent, où elle finira sa vie.


La guerre passe, sans trop d'encombres. La libération arrive, célébrée dans la liesse. L'armistice est signée le 8 mai 1945 et la semaine suivante, Anna apprend la mort de sa sœur aînée Agathe, qui avait 91 ans. Sa propre santé est déclinante. L'automne, l'hiver passent.


Anna s'éteint à son domicile le 26 décembre 1945.



2 Comments


alain.blog
Oct 30, 2024

La disparition du "père Ducher", ses longues marches dans la montagne, puis sa disparition. Il faudra encore une petite dizaine d'années pour qu'Aloïs mette un nom sur la maladie qui, peut-être, le frappait. Merci pour cette saga

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Guest
Oct 30, 2024

J'aime beaucoup ton style limpide, ton écriture fluide. A mettre en favori pour s'en inspirer 😉

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